Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi les routes sont bordées de ces longues rangées d’arbres, si régulières qu’elles semblent tracées à la règle ? Leur présence, loin d'être esthétique, mêle en réalité politique, stratégie militaire, aménagement du territoire et mémoire collective. Tout commence au XVIᵉ siècle. En 1552, Henri II ordonne par lettres patentes de planter des ormes le long des voies publiques. Un esthète écologiste avant l'heure ? Pas tout à fait. L’objectif n’est pas ornemental : il s’agit d’empêcher l’empiètement des champs sur les chemins et de garantir un approvisionnement en bois de qualité pour les affûts des canons et la construction navale. Dès l’origine, l’arbre d’alignement répond donc à une logique d’ordre et d’utilité publique. Puis vint plus tard la Grande Armée et ses innombrables souliers. Sous Napoléon Iᵉʳ, la pratique se généralise et prend une dimension quasi militaire. L’empereur ordonne la plantation massive de platanes le long des routes et du canal du Midi. Ces arbres, peu coûteux, résistants et à larges feuilles, devaient procurer de l’ombre et un abri à ses troupes marchant à pied vers les champs de bataille. L’arbre devient alors à la fois repère, refuge et symbole d’un empire organisé. Au XIXᵉ siècle, les alignements d’arbres gagnent les villes. Les anciens remparts sont remplacés par de larges boulevards plantés : c’est d’ailleurs à cette époque que le mot « boulevard » entre dans le vocabulaire urbain. Car avant, sa dénomination était plutôt militaire. L’idée s’exporte dans tout l’Empire colonial français où les arbres d’alignement deviennent des marqueurs d’ordre et de civilisation selon la vision française du monde. La Première Guerre mondiale leur confère une nouvelle signification. Les alignements servent alors de repères pour les troupes et les canons, mais aussi de support symbolique : chaque arbre, dans certains projets commémoratifs, représente un soldat tombé. L’arbre devient monument vivant, mémoire de la guerre et du sacrifice. Mais la modernité a bouleversé cet héritage. Après la Seconde Guerre mondiale, l’élargissement des routes et le développement de l’automobile transforment ces compagnons de voyage en obstacles... terrible destin qu'est l'arbre au milieu de la civilisation. Dans les années 1970, on les accuse même d’être responsables de nombreux accidents mortels. En 2022, encore, près de trois cents automobilistes ont perdu la vie après avoir percuté un arbre. Aujourd’hui, ces alignements demeurent à la croisée des enjeux : entre patrimoine et sécurité, entre mémoire et pragmatisme. Newsletter : https://histoireodyssee.substack.com/
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