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J’ai « achevé » hier la lecture de 𝑸𝒖𝒂𝒏𝒅 𝒍’𝒉𝒊𝒔𝒕𝒐𝒊𝒓𝒆 𝒇𝒂𝒊𝒕 𝒅𝒂𝒕𝒆𝒔, de P. Boucheron. C’est la déclinaison livresque de l’émission du même nom sur Arte. Au début, j’ai été un peu rebuté par la densité du propos, par les rhizomes des explications qui se ramifient sans arrêt. Cela demande un peu de concentration… Et avec l’âge, c’est un peu le naufrage, comme disait le général qui n’était pas le mien. Bon, malgré tout, ce qui est appréciable dans cette somme de dates, d’éruditions, d’exégèses pointues, fines, c’est le fait que l’on est dans l’arrière-cuisine de l’histoire, à savoir le passage au crible des événements, des faits, des sources. On est même ici dans une histoire de l’histoire, dans une série de stratifications archéologiques qui reconstituent un puzzle, celui de nodosités du passé. Je n’en prendrai pour exemple, que le chapitre final de ce livre, à savoir la mise à nu du 11 septembre 1973, date fatidique (« fatalitas ») pour un socialisme à visage humain sous climat chilien. Boucheron décortique le momentum, ce point du temps où Allende se barricade dans la Moneda, victime de la désarticulation de sa propre majorité (le tandem bancal avec le MIR est aussi un des motifs de l’échec « gris et amer » de septembre), victime des menées pernicieuses de la CIA et du patronat chilien inféodé, victime enfin d’un Pinochet fourbe comme il se doit pour un militaire (désolé pour mon antimilitarisme primaire, secondaire et tertiaire). Il reconstitue en quelques pages qui relèvent du palindrome, l’histoire d’une arrivée superbe au pouvoir et le lent dérèglement de l’espoir qui luisait comme un brin de paille. Cette lecture, au final, par sa complexité, nous rappelle qu’il faut éviter la simplification lorsqu’on parle des faits passés, bien sûr (l’histoire n’est pas monochrome et manichéenne), mais aussi lorsqu’on pense le présent, ou l’avenir. Le « Comprendre » spinoziste reste finalement la meilleure boussole dans ce monde indistinct et foutraque.